par Déborah Bensoussan
Valérie Abécassis, qui est une journaliste franco-israélienne, est bien connue des téléspectateurs d’i24 (https://www.i24news.tv/fr) où elle assurait une émission culturelle de haut niveau et de belle envolée, jusqu’au jour où elle est apparue à l’écran, son beau visage baigné de larmes et le cœur révolté sur ce qu’on appelle désormais la Place des Otages à Tel Aviv, interrogeant l’un, l’une et l’autre, et partageant avec nous tous l’immense peine face à la tragédie. Elle publie aujourd’hui « place des otages », un livre plein de fureur et de pleurs, avec ce titre emblématique qui renoue avec le temps des pogroms qu’on croyait disparu.
« 7 octobre 2023, 6 heures 30.
Ce samedi-là, le monde a chuté. La sirène est entrée dans mon sommeil… Ce samedi à l’aube, le son tourne en boucle, vient de partout fond sur nous et se colle à nous. »
Ainsi débute ce récit qui est un reportage que chacun de nous doit lire et partager avec l’auteure « pour dire l’horreur, pour dire la peur, pour dire l’espoir ».
En 36 ciourts chapitres, qui sont comme autant de flash, Valérie Abécassis nous fait vivre au jour le jour, depuis la date fatidique, le quotidien des Israéliens, elle et sa petite-fille allant et se cachant et se protégeant et, non sans mal, survivant à l’horrible et permanente attaque. Les titres parlent d’eux-mêmes : « En direct live… Ava grandira avec ça… Jours de larmes, jours de fête… Partir ou revenir… Lehaïm… La maison la plus étroite du monde… Bring them home and bring them home now… La Nova Fest… Street Art de larmes… Les métastases du chaos… La marche des vivants… Ô Dieu, veux-tu vraiment de nous ? » Ce 7 octobre a définitivement mutilé le beau sourire de la présentatrice télé, « j’étais sonnée, écrasée par l’énormité de ce qui nous arrivait », écrit-elle, et n’avait alors qu’un but, protéger sa petite-fille et trouver un abri. D’où la déambulation dans Tel Aviv au cœur des angoisses. Mais aussi la seule petite aide qu’elle peut apporter : donner un peu de sa vie :
« Sous les roquettes, depuis cette attaque folle, j’étais avec ces centaines et ces centaines de gens dans la file d’attente pour donner du sang, par terre, libérée de tout, avec les mêmes vêtements que le 7 octobre, l’urgence était vitale. »
Mais elle n’entend pas, non plus, cacher sa rancœur ou sa rage :
« Pourquoi le reste du monde a-t-il mis tant de temps à entendre ce que les Israéliennes avaient subi ? Le monde des féministes, des Nations Unies, de la Croix-Rouge ? L’UNRWA ?… Pourquoi ce monde ne nous a-t-il pas crus ? Silence. »
Et pourtant, ajoute-t-elle, « les vidéos sont d’une violence inouïe ».
À la fin du livre, la grand-mère, Valérie la Safta, interroge Ava, sa petite-fille, avec qui elle a partagé tant de moments d’alerte et d’angoisse :
« Le soleil est beau, le ciel merveilleux, tout est fleuri et vert. Ava prend son vélo et sur la coulée verte pour rentrer, elle m’explique que les enfants n’ont pas le droit de parler de la guerre en classe. ‘’Ah bon mais vous n’en parlez jamais ? — Si, à la récré. — Et alors, ça te fait peur ?’’ En pédalant sous les arbres, avec sa peau si blanche, elle répond ‘’parfois’’. »
Le livre se referme sur cette angoisse rentrée, sur cette attente, sur cet espoir…
Mais un autre livre retient notre attention, Le Monde d’après, qui interroge 40 personnalités sur la tragédie du 7 octobre 2023 et la « détermination génocidaire » du Hamas, en répondant au Monde d’hier (1943), d’un des plus grands écrivains juifs du XXe siècle, Stephan Zweig, qui, face à la barbarie nazie, choisit de se donner la mort en nous laissant son témoignage prophétique sur « l’inimaginable régression de l’humanité à un état de barbarie qu’on croyait oublié depuis longtemps ».
Valérie Abécassis
Place des Otages
Les éditions du Cerf, 2024, 204 p., 20€
Danielle Cohen-Levinas
Le Monde d’après
Les éditions du Cerf, 2024, 262 p., 22€